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A+A- : Ecrits d'âme d'une jeune psy
12 mai 2014

Pati-en(t) Moi

 

20140507_151647 - Copie

 

 

6 mois de suivi à raison d'une ou deux séances par semaine, s'est a-chevé... Une de mes toutes premières patientes m'a dit, ce fameux dernier jour que j'ignorais: "Je vous rappellerais la semaine prochaine pour fixer notre RDV car comme je n'ai plus assez d'argent, je dois faire attention et je veux pas vous payer moins." 

Deux semaines et demi se sont écoulées, vue la problématique de ma patiente,je me suis permise de lui téléphoner après ce laps de temps pour avoir de ses nouvelles et lui démontrer que notre travail thérapeutique peut (et doit) perdurer au-delà de notre espace clinique! En effet, il s'agit maintenant, à elle, elle qui a décidé de ne plus venir me consulter, de s'accomoder de son histoire et de ses angoisses sous la même impulsion que celle déployée pour abréger notre avancée... Il n'est pas aisé et anodin (de choisir) de ne plus venir à un suivi psychologique, d'autant plus lorsque sa cadence fut régulière et conséquente. Madame J, évoque ce fait par son manque d'argent et sa perdition parmi les professionnels de la santé (étant pour elle: le naturopathe, le psychiatre, le magnétiseur, et moi-même "la psychologue-psychothérapeute"), professionnels de qui elle souhaite s'éloigner. Bien-sûr, cette raison et décision peuvent être louables, respectables et compréhensives, néanmoins, le travail mené ensemble s'interrompt aussi sous l'effet de la relation qu'a Madame J avec sa mère... Mère très directive et autoritaire, menaçant sa fille de la mettre sous tutelle dû à son état de santé. Précision, Madame J a toute sa tête même si "une tendance" obsessionnelle et des pensées délirantes rythment certains passages de sa vie.

Sans rentrer dans les détails et les termes cliniques, je vous abstiendrais de mon analyse quant à cette patiente et le terme de nos entretiens.

Une rencontre fortuite puis d'autres coups de fil de Madame J à mon égard, l'ont mené à vouloir reprendre RDV à "bas prix". C'est là que le bât blesse pour Madame qui semble réaliser la somme qu'elle dit pouvoir mettre à l"heure actuelle, somme qu'elle souhaite donner dans une séance pour le coup "écourtée". Je lui réponds que la séance durera le temps nécessaire, quel que soit l'argent versé. Madame J qui a toujours bien gagné sa vie accepte d'une façon effrontée de donner éventuellement moins que ce qu'elle ne donnait déjà depuis le début de notre rencontre. Femme au parcours sportif, fierté et endurance dans la poche cohabitent mal avec décadence sociale et régression psychique.

Concernant cette patiente, une de mes hypothèses de travail était son manque d'estime d'elle-même, la perte de son identité, la peur de son autonomie, l'effroi devant certains de ses désirs sexuels... Madame J avait besoin de recevoir l'attention et le soin de ces professionnels de la santé, un soin qui selon ceux-là variait tant dans leur qualité que dans leur production et productivité. Pour une part, ce soin était la tentation pour elle de pallier les carences affectives causées par ses parents mais aussi, une première relation amoureuse, défaillante. En somme, venir à nos séances psychologiques-psychothérapeutiques était avaler ou plutôt, ingurgiter un "placebo", plutôt que s'appliquer à une réelle introspection et s'armer pour un véritable labeur... Eh oui, un ou des entretiens psychologiques ne découle(nt) pas sur des "résultats" magiques mais "condui(sen)t" à un épineux boulot!...Il est probable que mes observations quant à ce point l'ait perturbée, dans sa quête effrênée de soi-n.

De surcroit, je me permets de penser que notre travail a pâti de la forte personnalité de la mère de Madame J et que Madame J "contrainte" d'après ses dires, de revenir au domicile parental n'a pas réussi à se délivrer de l'emprise de sa mère pour déterrer les clés de sa liberté de femme d'une cinquantaine d'années. 

Voilà... 6 mois de suivi à raison d'une ou deux séances par semaine, s'est a-"chevé"... Je me demande si j'ai loupé quelque chose ou si j'ai trop fait... Trop fait dans l'humain ou trop fait dans ma réfléxion clinique. Ai-je dit trop souvent en raccompagnant Madame J à la porte: "Je vous encourage, vous n'êtes pas seule, il y a vous, votre démarche pour votre santé mentale, vos proches et moi aussi, qui vous soutenons." Ou bien, suis-je intervenue trop tôt et trop analysante plutôt que simple écoutante comme le font nombre collègues pour étendre le suivi (à de grandes fins pécuniaires, sans se leurrer!)...

Le mot est peut-être fort mais il mérite tout de même d'être soulevé, car je suppose et tends à affirmer clairement que pour tout psy de l'âme, ne pas mettre fin soi-même puis avec confirmation du patient, à un suivi, le fait pâtir dans son exercice. Le psychologue-psychothérapeute masqué ou transparent, vêtu d'une cape ou d'un pantalon taille basse/taille haute, jupe ciseau, robe fuseau, chaussé à plat ou bien perché, franchement ou aigrement "com"-patissant, éprouve une certaine difficulté à réorganiser son planning et à penser sa technicité sans avoir pu signifier la "fin'' du suivi. Il fut inquisiteur, guideur, parfois meneur, puis aussi entraîneur mental, il ne sait pas si la personne qu'il a normalement traité avec "neutralité bienveillante", aura pris son envol ou se sera perdue dans les méandres de son âme, voire, emprisonnée dans sa détresse. In fine, le psychologue soigne les coeurs de l'Homme et "panse" souvent bien seul les effets de son palpitant métier... Le psychologue est un écailler de sentiments humains, aux provenances diverses et variées... 

Voyez-vous, étymologiquement, la psychologie clinique consiste à se rendre "au chevet" de la personne. Finalement, notre cadre conventionnel ne patirait-il pas lui aussi de nos codes et de nos mentalités... Effritées ?... 

Madame J, au téléphone m'a proposé de nous rencontrer furtivement ou posément, pour me donner quelques nouvelles. Or, Madame J, ne donne pas "quelques nouvelles" en-dehors du cabinet, Madame J, au combiné ou à la croisée de rues, me narre son quotidien et m'expose son imaginaire... "A une terrasse d'un café", il y a de quoi étendre son affect, tendre vers l'amitié; Puis à la fois, face au spectacle de son imaginaire, il y a de quoi laver... Laver et adoucir son âme au cours d'un travail psychologique, singulier, personnel.

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Commentaires
L
Je me permets de réagir, à mon sens un médecin est un médecin, on ne va pas faire panser ses plaies auprès d'une infirmière dans la rue ou sur la plage, ou encore faire soigner sa vue dans un restaurant, il en est de même pour les plaies de l'âme pour ma part je crois au cadre sécurisant, neutre et dédié de la rencontre entre un patient et son médecin. <br /> <br /> Mais la question reste ouverte, rester dans la bulle d'échange ou en sortir?<br /> <br /> <br /> <br /> Un autre problème soulevé révèle aussi l'utilité d'un dicernement du patient entre le résultat (la destination) et le chemin<br /> <br /> et me rappelle en mémoire un excellent article écrit précédemment sur ce blog!
A+A- : Ecrits d'âme d'une jeune psy
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