A corps et cris...

A corps et cris lorsque la violence est le plein d'une communication... Lorsqu'un couple se déchire, lorsqu'un lien se rompt, lorsque chacun prend une direction mais paie pour démarrer une procédure judiciaire... Un accord écrit pour recouvir son identité, perpétuer sa filiation et peut-être et pour beaucoup, manifestement, tenter de retrouver un peu d'estime de soi et de fierté en possédant des biens matériels, en obtenant la garde d'enfants en cas de divorce,...

Madame C me raconte les violences subies tant physiquement, psychologiquement, sexuellement, verbalement, qu'"économiquement", me précise-t'elle, par les deux hommes à qui elle fut mariée.  Celle-ci développe son discours avec certains mécanismes de défense tels que l'intellectualisatiion et la condensation, les sévices endurés et le combat mené aujourd'hui, pour obtenir la garde de ses enfants (un de chaque union).

Celle-ci dit vivre une injustice et être la victime d'une manipulation de la part de ces deux ex-compagnons à ce jour ligués contre elle et n'hésitant pas à enclencher toutes enquêtes sociales et démarches judiciaires pour la "diminuer". Lors d'une séance, la patiente m'évoque une lettre rédigée par ses soins et envoyée à la ministre des Sceaux, Madame Taubira. D'emblée, elle décide de me la lire et sort son téléphone de son sac à main... Appareil mobile contenant de sa lecture, garant de sa détresse psychologique et de sa souffrance... J'imagine et ressens un corps malmené, une vie décriée par ces hommes qui a priori, "ne supportaient pas ses difficultés et refus" à accomplir "certaines choses sexuelles" (actes qu'elle n'arrive pas encore à nommer, bien que dit-elle, "avec vous, j'en viens à parler de ces difficultés là, jusque-là je n'y arrivais pas et je ne l'ai jamais fait lors de mes précedentes thérapies". Pour autant, il est encore trop tôt pour que celle-ci parvienne à symboliser et approfondir ces points), ces anciens hommes amoureux qui s'écriaient de sa profession, assistante maternelle, et de ses passions, chant, jeu d'un instrument de musique,... Smartphone bien en mains, fesses et dos bien enfouis sur le fauteuil, posture très déterminée et allure voulant donner l'illusion d'une femme "guerrière"  (comme elle se décrit en rigolant), elle me lit sa longue lettre qu'elle a sauvegardée sur son téléphone, je l'écoute, et moi aussi, je lis, je LA lis, me rallie sur sa respiration, m'accorde à ses intonations, à ses mots, me concentre sur son histoire, puis m'interroge un peu, aussi, sur le sens de cette entreprise!!... De suite, enfin, elle attend un avis de ma part MAIS quel avis pourrait donner un psy sur ce genre d'é-crit?!... 

J'eus envie de lui dire, entre autre: "Je pense que derrière votre volonté de faire bouger votre situation, de réclamer justice, vous avez surtout eu besoin et envie d'effectuer un travail thérapeutique; vous avez résumé vos vingt dernières années en une page et quelques lignes, vous avez dressé un tableau de vos mariages, enfantements, divorces et problème de santé (importants dérèglements somatiques et interventions médicales/chirurgicales), vous abordez votre nouvelle union, ce soutien et ce bonheur d'un équilibre crées pour beaucoup, de ce que vous dîtes, grâce à votre nouveau partenaire, vous avez émis quelques sentiments, globaux, vous avez voulu vous confier, ne pas vous victimiser et soigner la vie dont vous rêvez, intimement"...

Au lieu de ça, je lui dis : C'est une lettre très succinte et clairement rédigée, vous ne semblez pas vous inscrire dans un registre critique envers..." Et celle-ci me coupe, me disant "Oui j'ai fait attention, je ne voulais pas faire un papier juste pour critiquer le système judiciaire mais je le fais pour que ma situation soit réexaminée, qu'on se rende compte que mes enfants sont en danger avec leur père respectif, dont l'un est très pervers-narcissique et pour parler aussi, au nom de toutes les autres femmes violentées et mères qui ne peuvent pas être mises à l'écart de ce qu'elles ont mis au monde (c'est à dire: leur enfant)." Quelque part, cette parole peut paraître bouleversante... C'est en arrière-fond, un appel à l'aide, un cri non verbalisé mais encré sur un papier dont on ne sait quelle sera l'arrivée et quel sera le résultat? D'autre part, c'est une parole qui nécessite d'être réfléchie, apaisée, originée, dirigée,.. La prochaine séance me permettra peut-être de revenir dessus et de lui faire remarquer, à elle, comme à chaque patient et à vous, lecteurs, que le plus constructif et le plus clément versant de la Vie, n'est pas le résultat mais le chemin que l'on décide de prendre... chaque jour! Dans notre propre arbitre se trouve de la douceur qui certes, s'accompagne souvent, d'intense tiraillement face à sa responsabilité ou face à un laisser-passer, face à un abîme ou encore, face à un fatalisme, mais dont la musicalité sonne toujours plus juste que les cris propulsés d'autrui à notre égard, cris toujours un peu/beaucoup/passionnément/à la folie, éperdus de raison...

Notre vie à corps épris, souvent, avec une grande solitude, est bien plus productive qu'une vie encordée par autrui ou par la société.

Violence à soi-même n'est-ce pas la seule intense pulsion destructrice et/ou constructive que l'Homme devrait connaitre?!! ...

Comments

[lupi]

je rajouterai que le visuel est très bien choisi, cette jambe de poupon déchiquetée, cassée, fait écho à la violence du titre de l'article ainsi que l'ombre de la jambe du photographe qui surplombe la scène

[lupi]

je rajouterai que le visuel est très bien choisi, cette jambe de poupon déchiquetée, cassée, fait écho à la violence du titre de l'article ainsi que l'ombre de la jambe du photographe qui surplombe la scène

[lupi]

Très interessant lien entre l' é-crit et les cris ...

Difficile parfois de prendre le temps d'observer le chemin (parcouru ou à parcourir) , dans notre societé de la vitesse et si avide de résultats...