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A+A- : Ecrits d'âme d'une jeune psy
30 janvier 2014

"La CMU et vous "Docteur psy" ?"...

Aujourd'hui j'ai reçu un nouveau patient dont la cousine m'a appelée hier afin de prendre RDV pour lui. Celle-ci ne m'avait rien explicité, c'est au moment où je lui ai demandé l'autorisation de noter son nom sur mon carnet de consultation, que cette dernière me l'a épelé, stipulant à la fin, un rapide: "Mr".

En ce jour, j'ai donc eu "la surprise" de découvrir un jeune homme d'une trentaine d'années rentrer dans mon cabinet et se présenter comme "la personne ayant RDV avec" moi...

Typé, regard malicieux, brillant et ardent pour accompagner un sourire fragile mais lumineux, ce dernier s'installe sur un des fauteuils destinés au patient. Il choisit celui qui est le plus près d'un angle de mur et le plus proche de mon fauteuil. Il commence par me dire que c'est la première fois qu'il "voit un psychologue", je reprends cet élément et lui dis que je vais lui expliquer rapidement la fonction du psychologue, le composé d'une séance. Enfin, j'appuie sur le fait que tout psychologue en libéral est voué au secret professionnel (ainsi, je transformerai certains éléments au cours de cet écrit afin de ne pas dévoiler l'identité de cette personne. C'est aussi ce que l'étudiant est censé faire lors de ses rédactions de type rapport de stage/mémoire.). Ensuite, je lui demande s'il connaît la différence entre un psychiatre et un psychologue, lui glissant le fait qu'une séance chez le psychologue n'est pas remboursée. "'Ah c'est pas remboursé? Je savais pas, ah d'accord d'accord!"

Bien, ça c'est dit... Maintenant j'essaie d'engendrer le discours de Monsieur tout en maintenant un climat de confiance, de sécurité, de chaleurosité, cependant, intérieurement, le doute en moi s'est fait sentir... Je suppose une surprise de plus à la fin de notre entretien!... Le moment où le patient doit payer... Un moment de plus où l'effet thérapeutique a son importance...

Monsieur commence par me dire qu'il a fait de la prison et qu'il en est "traumatisé", c'est pourquoi, il vient me voir. Je cherche à diagnostiquer cet éventuel "traumatisme" et tend à avoir connaissance de son historicité sans laquelle le psychologue ne peut analyser l'état d'âme et le comportement actuels du patient. Semblant assez à l'aise au fond du fauteuil, le regard droit et orienté vers moi lors de nos échanges, celui-ci est pourtant très évitant lorsqu'il s'agit de "narrer" la raison et les conditions de son incarcération. 

Ayant suivi une formation en psychologie expertale et criminelle, j'ai acquis certains savoirs, non seulement des notions juridiques mais aussi quelques connaissances de dits, "profils" d'auteurs d'actes illicites", puis certaines caractéristiques professionnelles de l'avocat, du magistrat, du policier, du surveillant de prison,... Ma soif de découvertes professionnelles m'a aussi conduite à pratiquer l'année dernière, au sein d'un Établissement de Placement Éducatif' Judiciaire pour les mineurs de 12 à 18 ans, relevant du pénal, placés donc, sous la Protection Judiciaire de la Jeunesse. J'ai côtoyé des éducateurs au sein de ce service mais aussi, au Tribunal de Grande Instance, qui ont eu l'occasion d'exercer en structure pénitentiaire puis je me suis aussi occupée de jeunes au sein du foyer qui ont frôlé LA mesure judiciaire qui les aurait menés à la prison spécifique aux mineurs... J'en ai entendu plusieurs se vanter de leurs trafics et de leur joie de se retrouver dans ce système où "ils ont tout", comme ils disent!... J'en ai reçu d'autres dans un cadre à effet thérapeutique, m'exprimer leur honte d'avoir été entraînés dans ces trafics de stupéfiants ou dans leur violence à l'égard d'autrui. Violence pour vol ou agressesion sexuelle/viol...

Je me souviens d'une collègue de dernière année d'études universitaires, qui avait été prise pour réaliser son stage au sein d'une prison. Lors d'une séance d'analyse des pratiques, elle avait choisi de prendre la parole pour faire part de son malaise en ce terrain... J'entendais et lisais sur son visage la violence, silencieuse, verbale, physique et odorante, omniprésente, qu'elle rencontrait et "subissait".

Le patient que je reçois insiste sur son "traumatisme de la prison", je peux comprendre cette parole mais je ne peux le laisser avec un emploi du mot "traumatisme" éventuellement erroné, tant il est aujourd'hui facilement utilisé, c'est la raison pour laquelle je l'ai interrogé sur son interpellation, sur ses manifestations ou pas, somatiques, sur ses capacités d'endormissement, ses craintes, ses réminiscences, son appétit, etc... En effet, il ressort qu'une effraction psychique a visiblement eu lieu chez lui. Difficultés d'endormissement, nuits incomplètes, maux de tête, perte importante de poids, peur innommable ou, lorsque je creuse, "peur d'être suivi"... Réussit-il à signifier...

Nous évoquons sa relation à sa famille, à ses amis, sa situation professionnelle actuelle. Je lui suggère quelques éléments réflexifs et pratique pour qu'il puisse trouver les clefs qui sont en lui et qui lui permettront de retrouver la demeure qu'il souhaite... Un intérieur "sans peur, sans mauvais souvenirs envahissants".

Nous travaillons "ensemble" semble-t'il, mais la partie n'a pas été facile à débuter tant les mécanismes de défense de Monsieur sont ancrés et tant sa demande est apparemment d'ordre admnistrative au sein de mon cabinet d'ordre paramédical. Eh oui, c'est vrai, j'ai "oublié" de vous dire, que dès mes premières et furtives interventions au commencement de notre entretien, Monsieur, me dit, comme pour couper court à tout travail analytique de ma part :" Ah mais je vais être honnête, je vous le dis, moi ce qui me fais venir vous voir c'est parce qu'on m'a dit qu'il fallait que j'aille voir un psy et que je voudrais que vous me fassiez une lettre pour mon dossier juridique./ Une lettre comme quoi j'viens vous voir. Enfin, vous devez savoir, vous. Donc voilà, une lettre pour faire bien, lors de mon jugement."

Le patient me rappelle souvent, cette lettre qu'il lui "faut" (au cours de la séance, mais ne me la "demande" plus, alors que je ne lui avais pas répondu clairement, par la positive ou la négative). J'entends son penchant obsessionnel à posséder une pièce supplémentaire à son dossier, mais pas n'importe quelle pièce!... Une lettre d'un professionnel de la santé qui, a priori, est en mesure de rédiger un écrit, en faveur de son insertion et intégration dans notre société!... Ainsi, pour ma part, je considère qu'on pousse le psychologue, à tendre vers l'engagement d'un jugement! ... ...

J'ai déjà été amenée à effectuer deux lettres pour un jugement "dernier" à deux personnes en demande d'asile. On m'a sollicitée pour quantité supérieure, j'ai refusé. Avant de réaliser ces deux lettres, j'ai longuement réfléchi, non seulement, à ma démarche, s'inscrit-elle dans ma déontologie et mon éthique, mais aussi, à la valeur de la plume du psychologue dans le dossier d'un dit "jugé", puis enfin, à cette fameuse part d'humanité qui de toute évidence, recouvre la psychologue que je suis. Un proche m'a dit ou peut-être devrais-je préciser, un proche m'a reproché, dernièrement, que "mon costume de psy" était trop présent dans ma vie privée (ce qui m'a un peu affecté et questionné, d'ordinaire, m'est reproché de ne pas être psy avec mon entourage!... )... De cet avis ou pas, je dirais que dans ce cas, équitablement, mon humanité, sensibilité et intérêt pour autrui sont trop présents dans ma vie professionnelle. Je ne parviens pas comme certains le font, à recevoir le sujet, entre 35-45 minutes grand maximum, à écouter/entendre puis parfois, seulement, montrer signe de présence, de surcroît, je ne souhaite pas alimenter ou créer un besoin supplémentaire chez lui pour qu'il revienne me voir et qu'ainsi aussi,"mon affaire tourne"!... Je n'arrive pas à semer tout ça, uniquement parce que je ne "veux" pas dissimuler mon honnêteté, mon souci du rétablissement, ou du simple bien-être du sujet, et abuser d'apparents "pouvoirs" qu'aurait le psy sur la condition humaine. Il serait bon pour tous de constater que le psychologue est suffisamment impassible pour ne pas en plus, tromper et développer davantage d'angoisse chez la personne plus ou moins vulnérable, qui se trouve face à lui. 

Pour terminer, je vous expose "la surprise" de cette fin de séance:

Une fois levés, prochaine consultation souhaitée par Monsieur, RDV noté, lettre réclamée de nouveau par Monsieur, accord assuré de ma part, réception de la lettre lors de la prochaine séance, celui-ci me dit:

"-Donc ce n'est pas remboursé? Parce que j'ai mon papier de la CMU sur moi. Vous êtes sûre que ça marche pas? Pour moi, vous marchez, vous êtes comme un docteur. Je peux pas vous payer, j'ai rien sur moi là. La semaine prochaine, je vous paierais les deux, ça ne vous dérange pas?"

 

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Commentaires
L
merci pour ces précisions!
N
Merci Lupi pour vos commentaires constructifs et votre intérêt porté à ce blog. La demande du patient a son importance pour le contenu de la lettre. Il s'agit de savoir par le patient, puis ensuite de considérer par soi-même, si on stipule juste la réalisation d'une consultation ou si on compose davantage la lettre sur un versant "diagnostic". En ce qui concerne, ce patient, une lettre précisant uniquement la démarche entreprise auprès d'un psy peut "normalement" suffire.
L
effectivement, il doit être diffcile de faire la part des choses entre l'humain et le professionnel... quant au rôle du psy il est fondamental, mais je m'étonne de constater que cette lettre pourrait être délivrée au bout d'une séance seulement, au cours de laquelle il doit être difficile d"évaluer un patient en si peu de temps, et non pas au bout d'une série de séances au nombre défini au préalable par exemple selon le profil du patient
A+A- : Ecrits d'âme d'une jeune psy
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